La théorie de la relativité générale d’Einstein est fascinante et se trouve au cœur de nombreux développements de la physique (gravité quantique, cosmologie, astrophysique, physique des particules…). De ce fait il est fréquent que des non-physiciens me demandent de leur expliquer les grandes idées. Toutefois il n’est pas facile d’expliquer correctement les idées principales, d’autant plus que certaines ne sont pas encore comprises (le rôle du temps, la quantification, les trous noirs…). Certaines analogies sont utiles (comme la nape courbée par l’étoile), mais il faut s’en méfier car souvent elle repose sur la notion de géométrie extrinsèque (je vois la courbure de mon espace de l’extérieur) alors que les espaces-temps en relativité générale ont une géométrie intrinsèque ; par exemple un tore (un donut) apparaît courbe depuis l’extérieur, mais quelqu’un qui vit dessus mesurerait qu’il est totalement plat. Ainsi la relativité générale repose sur un formalisme mathématique assez avancé (par rapport aux autres cours) et de nombreux étudiants peinent à s’y accrocher. Continuer la lecture
Archives par étiquette : physique
Cristal de temps
Il y a deux ans, Frank Wilczek (prix Nobel en 2004 pour des travaux sur la chromodynamique quantique) – en collaboration avec Alfred Shapere pour l’un des papiers – s’est intéressé à la possibilité de construire un cristal de temps [1, 2] : un tel système présente l’émergence spontanée d’une horloge là où il y avait auparavant invariance par translation dans le temps. Les deux articles sur le sujet proposent respectivement un modèle classique et un modèle quantique. Plus tard la même année, un groupe de chercheurs ont proposé une réalisation expérimentale concrète de ce système [3]. Continuer la lecture
Nombres généralisés : réel, complexe, quaternion, octonion
Pendant de nombreux siècles les mathématiciens ne connaissaient que les nombres réels, c’est-à-dire ceux que nous utilisons dans la vie de tous les jours, et du fait du manque de formalisation mathématique, personne ne s’est posé la question de l’existence de nombres généralisés, c’est-à-dire d’objets qui se comportent de manière similaire aux nombres réels. Ce n’est qu’au XVIè siècle que furent introduits les nombres complexes afin de résoudre certaines équations polynomiales, puis, au XIXè siècle, Hamilton puis Cayley découvrirent les quaternions et les octonions. Ces nombres peuvent être représentés par un ensemble de nombres réels (respectivement 2, 4 et 8), et un théorème indique qu’il s’agit des seuls nombres généralisés. Ces nombres possèdent de nombreuses applications (parfois méconnues), et dans de futurs billets je me concentrerai particulièrement sur leur utilisation pour la construction des groupes de Lie, ainsi que leur lien avec le groupe de Lorentz (relativité restreinte), la supersymétrie et la théorie des cordes. Dans ce billet j’utiliserai de nombreux exemples, en me référant toujours au cas des nombres réels pour bien expliquer les idées. Continuer la lecture
Théorème de Goldstone et brisure de symétrie
Un des concepts fondamentaux en théorie des champs est celui de symétries, et souvent les théories peuvent être entièrement décrites à partir de la liste des symétries (plus des champs quantiques existants). Les fluctuations quantiques sont définies autour d’un « vide », qui est l’état de plus basse énergie de la théorie. Toutefois ce vide peut ne pas préserver toutes les symétries de la théorie originelle : le théorème de Goldstone conduit à l’existence de particules sans masse, qui correspondent aux symétries brisées. Continuer la lecture
Symétries et dualités en supergravité
Dans un article précédent je décrivais quelques propriétés des théories de supergravité et de leur compactification avec la méthode de Kaluza–Klein. En général ces théories présentent un groupe de symétrie globale extrêmement grand, qui comporte certaines « dualités » (c’est-à-dire des symétries qui ne sont visibles qu’au niveau des équations du mouvement et non de l’action). Par la suite nous souhaitons rendre local un sous-groupe de ce groupe global pour obtenir des supergravités jaugées (gauged supergravity), qui interviennent dans les compactifications avec flux – mais je réserve ce dernier cas pour un article ultérieur. Ce sujet des symétries et dualités en supergravité est un sujet très complexe, que je ne comprenais pas vraiment jusqu’à récemment (a fortiori pour les théories \(N=4, 8\) à 4d, puisque j’ai surtout étudié \(N=1, 2\)) : c’est en lisant des notes de cours de H. Samtleben [1] que j’ai commencé à comprendre. Cet article sera un peu plus compliqué que le précédent puisqu’il est difficile d’expliquer ces notions sans mathématiques. Continuer la lecture
Supergravité, réduction de Kaluza–Klein : quelques notions
Les théories de supergravité apparaissent comme des approximations aux théories des cordes (et de la théorie M), en particulier quand nous nous intéressons aux compactifications de certaines dimensions (par exemple 11d vers 4d). Dans le cas où ces dimensions supplémentaires prennent la forme de cercles « simples » on obtient des supergravités sans groupe de jauge (ungauged supergravity) : on entend par là que les seules transformations de jauge [1] sont abéliennes et proviennent de la réduction de Kaluza–Klein : dans ce cas seuls les champs vectoriels se transforment, tandis que les champs scalaires sont neutres. Continuer la lecture
École ASC 2013 sur adS/CMT
Je reviens tout juste de l’école d’été ASC 2013 qui s’est déroulée à Munich, au centre Arnold Sommerfeld, et dont le thème était la correspondance adS/CMT (anti-de Sitter / Condensed matter theory). Globalement les cours étaient très intéressants, mais j’ai préféré de loin celui sur l’information d’intrication. Dans la suite du billet je donne un aperçu de la criticalité quantique et du lien avec l’holographie. Continuer la lecture
Nouvelles pages : recherche, adS/CFT et pédagogie
Je viens de profiter d’un peu de temps libre pour rajouter quelques pages (que j’espère mieux construites que la plupart des autres) sur :
- mes sujets de recherche actuels, à savoir les trous noirs en rotation en supergravité N=2 et la théorie de Liouville ;
- une description sommaire de la correspondance adS/CFT et de l’holographie, puisque je risque d’être amené à en parler souvent dans mes billets ;
- quelques réflexions sur le système éducatif français et sur ma pédagogie.
Théorie des cordes et méthode scientifique : une critique par Woit
Dans un billet écrit en mai dernier, Peter Woit commente et critique quelques extraits du livre String Theory and the Scientific Method de Richard Dawid, dont l’objectif est d’amener les épistémologues à s’intéresser de plus près à la théorie des cordes, que Dawid trouve délaissée par rapport à d’autres théories moins pertinentes. Woit voit dans ce livre une expression optimiste et même naïve de positions peu honnêtes et maintenant dépassées. Continuer la lecture
Hibou’k : publication du numéro 3
Finalement, après plusieurs mois de délai, le numéro 3 de l’Hibou’k vient de paraitre ! Il m’aura fallu du temps pour rassembler suffisamment d’articles, et il y en a moins que dans les deux précédents numéros, mais l’essentiel est d’en avoir assez.
Voici la table des matières :
- le concept d’entropie du point de vue de la thermodynamique et de la physique statistique ;
- les symétries de jauge en physique théorique et leur usage dans le modèle standard des particules ;
- un commentaire des projets de loi pour l’épargne des ménages ;
- une autre note juridique sur le projet de loi de finances 2013 ;
- l’histoire de l’Union Centro-Américaine de son commencement jusqu’à sa chute ;
- le légisme de Shang Yang – un système politique autoritaire chinois ;
- quelques bases de phonétique à travers les voyelles et leurs prononciations dans les différentes langues ;
- la troisième lettre à Angelys (roman épistolaire).