Remodeler son cerveau : bouddhisme et neurosciences

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Le cerveau de Bouddha (Pocket, 2013) – écrit par Rick Hanson et Richard Mendius – est certainement l’un des livres les plus intéressants que j’ai lu ces derniers temps. Dans ce livre, les auteurs montrent comment remodeler son cerveau grâce à différents exercices, nombre d’entre eux s’inspirant du bouddhisme (on peut parler de sciences contemplatives). Leur efficacité est mise en contexte et expliquée à partir de la psychologie évolutionniste et des neurosciences (entre autres grâce aux récents progrès en neuroimaginerie). Coursera propose en ce moment un cours dont le sujet est très similaire : Buddhism and Modern Psychology, par Robert Wright (Princeton).

Entraînements cognitifs

Les divers exercices ont pour objectifs d’améliorer nos capacités cognitives, morales et physiques : mémoire, attention, sommeil, empathie… L’outil principal est la méditation (dont j’ai déjà expliqué les bienfaits précédemment), et l’idée générale est de solliciter les réseaux neuronaux bénéfiques pour changer nos automatismes de pensées. On retrouve encore quelques concepts de métacognition.

Du point de vue neurophysiologique, le principe est de stimuler certaines zones du cerveau (comme le cortex préfrontal, impliqué dans le raisonnement et la planification), par exemple pour encourager la libération de certains neurotransmetteurs qui permettent d’améliorer la sensation de bonheur, la motivation, etc. Le livre contient une très bonne introduction à l’organisation et à la biochimie du cerveau, donc même un lecteur qui n’y connaît rien ne sera pas perdu.

Psychologie évolutionniste

Nombre de nos troubles viennent de la manière dont fonctionne notre cerveau : ce dernier est le résultat d’une longue évolution naturelle, et toutes ses caractéristiques s’expliquent par l’avantage qu’elles ont fourni pour la survie de notre espèce (ou de nos ancêtres). Par exemple le plaisir nous pousse à réaliser certains actes nécessaires pour notre survie (manger, se reproduire…), mais il ne doit pas durer car cela nous détournerait de nos objectifs de survie : le plaisir doit donc être éphémère. D’un autre côté il est important de retenir longtemps les aspects négatifs d’une situation (plutôt que les points neutres ou positifs) car un danger était souvent mortel, et il fallait pouvoir le reconnaître rapidement et le fuir à l’avenir.

Toutefois ces caractéristiques ne sont plus utiles de nos jours car l’environnement a changé, et nous n’avons pas évolué car le temps écoulé est trop court (on retrouve un argument similaire dans le cours de Y. Harari) : l’homme a bouleversé ses conditions de vie bien trop rapidement pour que l’évolution adapte les mécanismes « profonds » (même si l’homme, de part les capacités de son cerveau, est capable d’inventer des outils pour s’adapter). R. Wright présente d’ailleurs le bouddhisme comme une rébellion contre l’évolution, car tous ces exercices n’ont rien de naturels.

Ainsi la colère est apparue pour mieux défendre nos biens : si quelqu’un essaie de voler nos affaires ou d’agresser notre famille, alors on lui envoie le signal (ainsi qu’au reste de la tribu) : « si tu me cherches, tu vas me trouver et ça va mal finir ». Mais de nos jours nous pouvons nous mettre en colère avec un parfait inconnu, et ce en présence d’inconnus : quel est alors l’intérêt de signifier à ces personnes qu’il ne faut pas venir empiéter sur notre territoire, puisque nous ne les reverrons jamais ? R. Wright donne l’exemple de l’automobiliste qui s’énerve au volant de sa voiture. On pourrait donner d’autres exemples, comme la timidité, le fait de ne pas profiter des choses « neutres » (comme la beauté d’un tronc d’arbre en passant à côté), ou bien chercher toujours plus de plaisir même si au fond nous n’allons pas en profiter.

Pourquoi le bouddhisme ?

Le bouddhisme est le centre de l’attention non pas parce qu’il s’agit de la seule religion à s’être intéressée à la contemplation, mais parce qu’il est plus facile d’en extraire la composante laïque. De plus le bouddhisme est, par certains côtés, moins opposé à la science. Par exemple il y a de nombreuses coopérations entre des moines bouddhistes et des scientifiques (voir le Mind and Life Institute) : les expériences réalisées ont permis de montrer clairement les effets des différentes techniques. La doctrine bouddhiste est parfaitement compatible avec les recherches modernes en psychologie cognitive et en neurosciences.

Conclusion

R. Hanson tient un site internet (Wellspring: Institute for Neuroscience and Contemplative Wisdom) où il publie des informations sur ces divers sujets, et il est possible de s’abonner à une newsletter hebdomadaire qui propose un nouvel exercice à chaque fois. Il est tout à fait possible de s’intéresser aux techniques bouddhistes sans pour autant « acheter » tout ce qui va avec (et, pourquoi pas, se laisser convaincre avec l’expérience ?) : on peut tout à fait méditer, pratiquer diverses formes de yoga… sans pour autant adhérer au principe du karma, de la réincarnation, etc. Dans tous les cas les exercices mentionnés dans ces livres promettent d’apporter une réponse à bons nombres de problèmes personnels et, peut-être même, s’ils sont adoptés par un nombre suffisamment grand, à un niveau plus global de l’humanité.