Dans la semaine 10 de son cours sur l’histoire de l’humanité, Y. Harari s’intéresse à l’histoire de la religion et plus particulièrement à la différence entre le polythéisme et le monothéisme. Après deux mille ans de domination judéo-islamo-chrétienne, nous avons été habitués à considérer les religions polythéistes anciennes (par exemple grecque, romaine, nordique, hindouiste…) comme des croyances naïves dignes de l’enfance de l’humanité. Cette vision montre un monde peuplé de Dieux et d’autres entités d’essence divine ou magique (comme les nymphes, les fées, les démons, etc.), chacune ayant certaines attributions et plus ou moins de pouvoirs.
Cette dispersion des rôles donne l’impression qu’il n’y a aucun « pouvoir » central, aucun principe organisateur. Or cela est faux : les religions polythéistes présentent (presque ?) toutes une essence supérieure, quelque chose devant lequel même les dieux doivent se plier. Par exemple il y a Moïra/Ananké (la Destinée/la Nécessité) dans la mythologie grecque, Âtman (l’âme du monde) pour l’hindouisme, ou encore les Nornes tissant le Wyrd de la mythologie nordique.
La principale différence entre ce principe supérieur du polythéisme et le Dieu des monothéistes est qu’il est totalement désintéressé : il ne présente aucun biais envers une quelconque issue, et il n’est pas possible d’orienter sa décision dans une quelconque direction. Pour illustrer ce point Harari note que les Hindous n’ont pas construit de temple pour Âtman, de même que les Grecs ne pratiquaient pas de sacrifice pour la Destinée : cela n’aurait servi à rien.
Ainsi puisque les Dieux ne sont pas tout-puissants ils ont nécessairement des intérêts, et il devient alors possible de « négocier » avec eux. La fragmentation du pouvoir absolu en différentes parcelles permet de le rendre plus accessible, et a pour conséquence une spécialisation des Dieux : e.g. un Grec n’ira pas faire la même offrande
Du fait de cette organisation le polythéisme se montre beaucoup plus ouverts aux croyances étrangères et acceptent sans compter les nouveaux Dieux : en effet ces derniers ne peuvent pas être comparés aux anciens puisqu’ils n’ont pas le même domaine d’application ; de même ils ne peuvent pas être en désaccord avec le principe suprême puisque ce dernier ne se « sent » pas concerné (c’est d’ailleurs pour cette raison que le christianisme fût persécuté par l’Empire romain au début : en prétendant placer son Dieu au centre de tout, il menaçait l’ordre socioculturel existant, ce qui ne pouvait pas être toléré).