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La deuxième semaine du cours d’introduction à la philosophie sur Coursera était consacrée à la théorie de la connaissance. L’objectif de cette dernière est de déterminer quand est-ce qu’un individu connaît qu’un énoncé (ou proposition) P est vrai, c’est-à-dire qu’il peut dire « je connais P » ou « je sais que P est vrai ». Le paradigme usuel définit une connaissance comme étant une « croyance vraie justifiée », i.e. quelque chose qui est vrai, auquel je crois et pour lequel je suis capable d’expliquer pourquoi j’y crois. Cette définition apparaît déjà dans le Théétète de Platon et elle aura tenu jusqu’au siècle dernier : en 1963 Edmung Gettier publia un papier fournissant toute une classe de contres-exemples, et aucune réponse satisfaisante n’a été apportée depuis [1].
Théorie classique de la connaissance
Avant de continuer il faut prendre quelques précautions concernant le vocabulaire utilisé : l’anglais et le français utilisent les mêmes mots pour désigner des idées différentes. Ainsi le terme « théorie de la connaissance » est traduit en anglais par « epistemology« , tandis que le mot français « épistémologie » est donné par « philosophy of sciences » (voir par exemple le cours. Ainsi tandis que la théorie de la connaissance porte sur le fait de connaître en général, l’épistémologie s’intéresse plus spécifiquement à la connaissance dans les sciences : elle s’intéresse par exemple à définir la validité des expériences et des théories, etc.
Les trois conditions – croyance, vraie, justifiée (justified true belief) – définissant la connaissance sont chacune importante. Il est évident que la connaissance doit être vraie, sinon ce n’est pas une connaissance par définition puisqu’elle ne reflète pas la réalité – ce serait une fantaisie. De plus il est difficile d’imaginer quelqu’un qui connaît quelque chose sans y croire. La connaissance est distinguée de la croyance vraie grâce au besoin de justification : un individu peut croire sans problème, mais s’il ne peut pas justifier pourquoi il croit alors il ne peut pas connaître : la personne peut avoir la foi, ou encore avoir « entendu dire que », mais on ne peut pas parler de connaissance.
La problème de Gettier
Cette définition a suffit pendant plusieurs millénaires mais E. Gettier y a trouvé une faille en considérant le scénario suivant :
Après m’être levé le matin je descends dans la salle à manger et je regarde l’heure sur la pendule. Je connais donc l’heure (par exemple 8h00) : je suis capable d’expliquer pourquoi je crois qu’il est 8h – donc j’ai une croyance justifiée – car je peux dire que mon horloge fonctionne, qu’elle m’a toujours donné la bonne heure, etc. Mais, en réalité, cette horloge s’est arrêtée tout à fait par hasard sur 8h (par exemple la veille quand il était 20h) et je ne m’en suis pas aperçu. Ainsi, s’il est véritablement 8h, on ne peut pas dire que je le sais parce que ma justification se base sur des éléments faux, et ce n’est que par chance que j’ai eu raison (si j’étais arrivé trente minutes plus tard, alors la proposition « il est 8h » aurait été fausse).
On pourrait arguer et disputer sur cet exemple en cherchant une faille, mais il est possible de construire une infinité d’exemples : dans chacun le scénario doit comporter une proposition qui se trouve fausse en général mais qui, ici, se trouve vraie par chance uniquement [2]. Du fait que l’on peut trouver une infinité de contre-exemples, le problème de Gettier indique clairement que notre théorie traditionnelle est pathologique.
Conclusion
Une des premières solutions proposées a été d’ajouter une quatrième condition : une connaissance ne doit pas se baser sur une fausse prémisse. Hélas il est très difficile de délimiter cette condition : si elle est trop fine alors elle pourrait exclure des cas où l’on connaît, si elle est trop lâche alors on ne peut pas résoudre le problème de Gettier. Les autres possibilités ne conviennent pas non plus.
Nous sommes arrivés à une impasse, qui a toutefois le mérite de nous faire réfléchir sur des questions extrêmement intéressantes.
Références
- Is Justified True Belief Knowledge?, E. Gettier, Analysis 23, 121 (1963) (version PDF).
- Page de Wikipédia anglais sur le problème de Gettier.
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