Les théories de supergravité apparaissent comme des approximations aux théories des cordes (et de la théorie M), en particulier quand nous nous intéressons aux compactifications de certaines dimensions (par exemple 11d vers 4d). Dans le cas où ces dimensions supplémentaires prennent la forme de cercles « simples » on obtient des supergravités sans groupe de jauge (ungauged supergravity) : on entend par là que les seules transformations de jauge [1] sont abéliennes et proviennent de la réduction de Kaluza–Klein : dans ce cas seuls les champs vectoriels se transforment, tandis que les champs scalaires sont neutres.
Supergravité : quelques « rappels »
La supergravité est une théorie supersymétrique de la relativité générale : en relativité générale le groupe fondamental est celui du difféomorphismes (changements de coordonnées), version locale du groupe de Poincaré (rotations/translations) ; or puisque la supersymétrie est profondément intriquée avec l’espace-temps, celle-ci aussi doit être locale [1].
Il est possible de définir plusieurs transformations de supersymétrie différentes, et ce nombre est noté N ; le N maximum dépend de la dimension de l’espace-temps considéré (par exemple N=8 pour d=4). En général plus N est grand et plus la théorie se simplifie car la supersymétrie implique des contraintes très grandes, qui réduise les possibilités (et donc les complications) – même si par contre il peut être plus difficile à comprendre. Le graviton possède N superpartenaires, appelés gravitini (singulier : gravitino).
La supergravité est particulièrement intéressante car si la supersymétrie simple permet de résoudre plusieurs problèmes du modèle standard, il faut bien coupler ce dernier à la gravité à un moment. De plus les théories des cordes et la théorie M admettent comme limites à basse énergie des supergravités (une limite de basse énergie est une approximation d’une théorie à plus haute énergie à laquelle nous n’avons pas accès directement et dont nous ne voyons qu’une partie).
Réduction de Kaluza–Klein
Une réduction (ou compactification) de Kaluza–Klein consiste à obtenir une théorie en d-n dimensions à partir d’une théorie en d dimensions en compactifiant n dimensions : cela signifie que ces dimensions supplémentaires sont repliées sous forme de cercles (leur ensemble donnant une géométrie qui généralise celle du tore du tore pour d>2) de telles sortes qu’elles ne sont pas observables et qu’aucune particule ne peut s’y propager.
L’exemple historique est donné par la réduction de la relativité générale 5d sur un cercle : on obtient alors la relativité générale en 4d plus un champ vectoriel qui se comporte comme un photon. Cette découverte a énormément enthousiasmé la communauté qui y voyait une piste très prometteuse pour l’unification des interactions ; en particulier Einstein préférait cette voie à la théorie quantique des champs. En effet il est possible d’inclure sans trop de difficultés les interactions faible et forte.
Les théories des cordes (ainsi que la théorie M) existent uniquement en 10 et 11 dimensions : or notre univers n’en comporte que 4, donc nous avons deux solutions : soit elles n’existent pas (et la théorie des cordes est fausse), soit nous ne pouvons pas les voir parce qu’elles sont compactifiées (ou parce que nous vivons sur une brane, comme dans le modèle de Randall–Sundrum (braneworld), mais je ne parlerai pas de ce cas). Dans ce dernier scénario il est donc important de comprendre comment compactifier notre théorie en 10/11d pour en extraire les informations ce que nous voyons en 4d.
Références
- Pour une explication des concepts de symétries globales/locales et de champs, le lecteur peut se reporter à mes articles dans l’Hibou’k, numéro 2 (symétries globales) et numéro 3 (symétries locales).