Faut-il manger les animaux ? Critique de l’élevage industriel

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La plupart des livres bouddhistes appellent à une alimentation plus équilibrée et plus éthique, entre autres en ce qui concerne la consommation de produits d’origine animale. C’est essentiellement par cette voie que j’ai commencé à m’intéresser à ce sujet (plus les remarques de la part de différent professeurs sur Coursera). Hélas, jusqu’à présent, je n’avais pas une très bonne opinion du végétarisme (voire végétalisme/véganisme) car je n’avais jamais eu l’occasion d’avoir une discussion précise avec des gens modérés (d’autant plus qu’il est difficile d’avoir une discussion sur le sujet puisque les pratiquants qui ne sont pas extrémistes sont en général gênés). Ainsi je ne me sentais pas vraiment touché par cette problématique. Et finalement on m’a conseillé de lire le livre de J. S. Foer Faut-il manger les animaux  ? [1]. Celui-ci m’a très fortement marqué : l’auteur présente une argumentation contre l’élevage industriel, en développant les impacts négatifs sur la santé, sur l’environnement et sur notre éthique. J. S. Foer se base sur un grand nombre de données et d’études scientifiques, tout en présentant des alternatives à l’élevage industriel, laissant par exemple la parole aussi bien à des activistes de PETA qu’à des agriculteurs.

Éthique, souffrance animale et souffrance humaine

La viande n’a jamais été produite de manière pacifique et non-violente, puisqu’elle nécessite toujours la mort d’un être vivant. De nombreuses pratiques – parfois nécessaires, mais toujours brutales – permettaient d’assurer et de symboliser la domination de l’homme sur l’animal. Toutefois l’animal en tirait aussi des avantages, comme une certaine protection contre les prédateurs, une nourriture aisée (et, du point de vue de l’espèce, une grande réussite du fait de la propagation des gènes [2]).

Dans tous les cas l’idée d’un marché « équitable » ne tient plus depuis l’avènement de l’élevage industriel : les animaux sont parqués dans des conditions atroces et de nombreuses souffrances inutiles leur sont infligées, uniquement dans le but de produire toujours plus pour moins cher.

Par exemple les poules ont un espace à peine plus grand qu’une feuille A4, les truies sont maintenues debout dans une cage minuscule pour leur éviter d’écraser leurs petits (puisqu’il n’y a pas assez de place dans la « salle commune »), les dindes grandissent toutes dans un espace surpeuplé, côtoyant les cadavres en décomposition et leurs déjections.

Afin d’optimiser la production d’œufs des poules, l’environnement de celles-ci est entièrement manipulé afin de leur faire croire que le temps « passe plus vite » : on les soumet d’abord à une lumière artificielle faible et à un régime alimentaire pauvre afin de leur faire croire que c’est l’hiver, puis on les nourrit beaucoup plus après quelques semaines. Une fois qu’elles commencent à pondre, la lumière artificielle alterne entre l’obscurité et le jour afin de faire « tenir » plusieurs jours en un seul.

Les conditions d’abattage sont réellement atroces : en principe les animaux doivent être assommés avant d’être tués puis « préparés », mais il arrive souvent (du fait de la cadence, de la négligence ou du matériel) que l’employé n’assomme pas complètement l’animal, qui peut alors se réveiller lors d’une étape ultérieure (par exemple lors de l’écorchage ou de l’équarrissage). Les grosses entreprises se sont arrangées pour faire fermer les petits établissements, obligeant de faire même les éleveurs traditionnels à demander leurs services pour la mise à mort.

Mais il n’y a pas que la souffrance animale : les employés des abattoirs (et, dans une moindre mesure, dans les élevages) ont des conditions de travail terribles, et ils se livrent à des actes d’une grande cruauté : enfoncer des tuyaux ou autres ustensiles dans l’anus des animaux, leur arracher les yeux, leur couper la queue…

En tant qu’être humain, est-ce bien l’image que nous voulons avoir de nous-mêmes ? De nombreuses personnes refusent d’entendre parler de ces pratiques, mais faire l’autruche ne les résoudra pas. Au contraire si une demande collective émerge alors on pourra voir une amélioration ; cela ne tient qu’à nous de ne pas imiter Dorian Gray, qui laisse son portrait se détériorer afin de voir tous ses désirs satisfaits.

Impact environnemental

La présence d’animaux en quantité raisonnable est positive pour fournir de l’engrais aux champs, pour débarrasser des mauvaises herbes, etc. Toutefois la concentration des élevages industriels conduit à de nombreux problèmes écologiques : en premier lieur le méthane produit par les animaux est un puissance gaz à effet de serre. De plus les déjections animales sont en trop grandes quantités pour être absorbées par les sols, et elles polluent alors l’environnement (nappes phréatiques, sols, etc.) ; e.g. les terres autour de nombreux élevages ne permettent plus de cultiver quoi que ce soit car le sol est devenu aride.

Plusieurs industriels ont été surpris à rejeter leurs déchets dans des rivières, et les amendes ne les ont pas empêchés de recommencer (vu le montant misérable par rapport à leurs profits).

Impact sanitaire

Les animaux de l’élevage industriel sont des aberrations sur le plan de l’évolution : leur patrimoine génétique, à force de sélection trop extrême et de conditions médiocres, s’est complètement détériorée, si bien que ces animaux ne sont plus capables de se reproduire, et tous les petits sont créés par insémination artificielle. De plus à force de privilégier la masse de viande disponible, on a conduit à des porcs totalement disproportionnés, et si on ne les tuait pas rapidement (après moins d’un an, alors qu’un porc peut vivre une vingtaine d’années) leur squelette ne serait plus capable de les porter (de même pour les autres espèces animales).

Afin de palier au système immunitaire déficient les industriels mélangent des antibiotiques à la nourriture des animaux, sans quoi aucun ne pourrait survivre à leurs conditions de vie. Manger ces animaux bourrés d’antibiotiques a permis aux virus de s’y adapter plus facilement, d’où la résistance accrue depuis quelques années.

Comme je l’ai mentionné précédemment, les conditions d’abattage sont déplorables et il existe de nombreuses contaminations lors de celui-ci : les animaux macèrent dans une même cuve, avec leurs déjections, leur sang, l’urine des employés… et il faut leur faire prendre un bain de javel pour tuer (une partie) des bactéries. Plusieurs contrôles ont mis en évidence des concentrations extrêmement élevées (même après le « rinçage ») de bactéries et de toxines.

Enfin de nombreux virus (comme ceux de la grippe) ont une origine animale (volatiles, porcs…), et le rassemblement d’autant de bêtes à un même endroit ne peut que favoriser l’émergence de nouveaux virus [2]. Ainsi des épidémiologistes s’inquiètent réellement des virus qui pourront être créés dans les élevages industriels.

Finalement ce n’est que depuis l’époque moderne que l’homme s’est habitué à manger de la viande à (presque) tous les repas. Certes la viande a permis à Homo sapiens de développer ses facultés (avec la cuisson qui a permis une meilleure digestion et un meilleur apport en calories), mais il n’a jamais eu l’occasion d’en consommer quotidiennement ; et cela a perduré jusqu’au siècle dernier. L’homme, bien que omnivore, n’est donc pas fait pour manger tout le temps de la viande : certaines études scientifiques ont même mis en évidence que la consommation de viande augmentait le risque de cancer.

Conclusion

Je n’ai fait que mentionner quelques-uns des aspects les plus marquants, et je ne saurais recommander assez vivement la lecture de ce livre à toute personne qui se dit humaine et concernée sur le devenir de l’homme (d’autant plus qu’il ne coûte que 7€ [1]) : je ne pense pas que la viande soit absent de cet avenir, mais tant qu’une majorité de la population n’aura pas décidé de changer ses habitudes, alors il faudra que certains individus se « sacrifient » pour attirer l’attention et encourager la réflexion et la prise de conscience. On pourra trouver certains de mes engagements dans un précédent billet.

L’objectif des industriels de fournir toujours plus de viandes (et faire ainsi toujours plus de profits) mène les industriels à réduire les coups à tout prix. Il faut se rendre compte de la quantité incroyable d’animaux qui sont ainsi élevés – plus de dix milliards de poulets rien qu’en Europe et aux États-Unis. Alors que nous sommes prêts à payer de fortes sommes pour avoir un nouvel appareil électroménager ou pour se divertir, ne pourrions-nous pas considérer acheter de la nourriture plus éthique ? Ou, même, s’en passer ? Est-ce que manger de la viande à chaque repas vaut-il de fermer les yeux sur l’élevage industriel ?

Pour d’autres informations et des chiffres, le lecteur pourra consulter les campagnes de l’association PMAF ; par exemple celle sur les poulets de chair. On peut trouver d’autres conseils sur le site de PETA France (un kit du végétarien en herbe), ou encore sur sur le site de l’association végétarienne de France.

Références

  1. Faut-il manger les animaux  ?, J. S. Foer, Points, 2012.
  2. Histoire de l’humanité, Y. Harari, Coursera, 2013.